Benn Kaddu, Benn Yonn

Convergences transnationales des luttes frontalières

Tome – 4 / Convergences transnationales des luttes frontalières        

De par la convergence nous voulons créer des espaces d’échange entre les pratiques et les visions de la liberté de mouvement et de l’égalité des droits. Nous voulons organiser des ateliers ciblés ainsi que des débats transversaux. Nous voulons réfléchir à la manière dont nous pouvons être plus efficaces dans nos initiatives, et aux nouvelles initiatives à mettre en place. Nous voulons réunir des acteurs de différents réseaux pour participer à des ateliers et des discussions autour de six pôles :

  1. Activisme en mer : Des militants de diverses organisations de sauvetage ont créé le site https://civilmrcc.eu en réponse aux violations croissantes des droits de l’homme commises par les garde-côtes de l’UE et Frontex en Méditerranée centrale et à leur collaboration avec les milices libyennes pour repousser les réfugiés et les migrants qui tentent de s’échapper par la mer. L’accent sera mis sur les chances et les défis de cette nouvelle plateforme, mais nous échangerons également nos expériences et nos pratiques concernant les situations en mer Égée et en Méditerranée occidentale, y compris la question principale des contacts et de la communication avec les communautés de migrants en transit.
  2. Luttes aux frontières : Des thèmes guideront ce groupe : la lutte contre les refoulements et contre l’externalisation et les points chauds. D’une part, au cours des dernières années, nous avons assisté à une normalisation des refoulements systématiques et de la violence sévère dans de nombreuses régions : en mer Égée et le long de la route des Balkans, mais aussi les interceptions et les refoulements vers la Libye, ainsi que les expulsions massives croissantes de l’Algérie vers le Niger et les refoulements violents à Ceuta et Melilla ou le régime d’expulsion mis en place sur les îles Canaries. En rapport avec ce développement, nous voulons partager les expériences et les meilleures pratiques. Mais nous voulons aussi soulever la question de savoir comment agir contre cette situation.

Quelles sont les stratégies efficaces et nécessaires pour augmenter notre influence contre le régime de repli. Nous voulons discuter si et comment nous pouvons aller au-delà de la documentation/scandalisassions. D’autre part, l’externalisation des frontières de l’UE vers des pays non membres de l’UE a augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années. Cela a des implications importantes pour la lutte contre les frontières. Grâce à l’approche des hotspots, des personnes sont bloquées sur des îles de la mer Égée, en Bosnie ou sur les îles Canaries, où l’UE tente d’augmenter les capacités d’expulsion.

D’autre part, les frontières augmentent le long des routes migratoires, notamment dans les Balkans et dans la région du Sahara. Qu’est-ce que cela signifie pour les luttes aux frontières si de plus en plus de personnes sont bloquées dans des camps au Niger ou en Bosnie ? Comment faire face à cette évolution ? Faut-il plus de pression sur les centres de pouvoir, ou plus de présence dans les régions concernées ?

  1. Villes solidaires : Fin juin 2021, le consortium https://fromseatocity.eu a organisé une conférence remarquable à Palerme, au cours de laquelle 33 maires de différents pays ont signé une déclaration commune en faveur d’une politique de migration et de réfugiés accueillante et fondée sur les droits de l’homme. Une “Alliance internationale pour des ports sûrs” a été fondée et, dans diverses sessions en ligne, des militants des droits de l’homme et des organisations de terrain ont présenté et discuté de projets et de campagnes pour le droit de circuler et pour des corridors de solidarité. Nous voulons faire référence aux conclusions de cette conférence, mais aussi à ses ambivalences dans la collaboration avec les acteurs institutionnels pour obtenir de vrais changements et des améliorations concrètes dans nos villes.
  2. Documentation et litiges : Au cours des dix dernières années, la Méditerranée est devenue de plus en plus un espace politique transnational et un champ de bataille, dans lequel les luttes juridiques se sont multipliées. Les activités de contre-cartographie et de contre surveillance menées par les acteurs de la société civile ont joué un rôle important en faisant la lumière sur la violence aux frontières et les violations légales des droits des migrants. Dans ce module, nous réfléchissons différents outils de documentation et de litige existants et à la manière dont ils pourraient être transformés pour être encore plus efficaces et soutenir les demande de justice des personnes en mouvement. Ces outils comprennent des voies juridiques formelles telles que les litiges stratégiques, la mise en scène de tribunaux populaires, le travail et les reportages critiques des médias, ainsi que le soutien aux processus de commémoration et d’identification. Si nous considérons la loi comme un outil crucial pour contester la violence aux frontières et permettre la liberté de mouvement, nous souhaitons également réfléchir à ses limites et à ses ambivalences, ainsi qu’à la manière dont elle est utilisée et détournée par les Etats pour criminaliser les migrants et ceux qui agissent en solidarité avec eux.
  3. Identification et action de commémoration : Ces dernières années, dans de plus en plus d’endroits, la commémoration des personnes tuées par ce régime frontalier meurtrier s’est transformée en actions collectives. En février 2020, une impressionnante action de commémoration a eu lieu à Oujda/Maroc, au cours de laquelle des membres de différentes communautés se sont réunis avec des familles de disparus et de noyés. Les familles de disparus ont commencé à se connaître et créé une plateforme pour leurs voix. Nous voulons poursuivre la discussion sur la façon de créer un autre moment de rassemblement pour une Action de Commémoration collective en 2022 – et aussi pour les processus d’identification des noyés et les litiges lorsqu’il s’agit de cas de disparition (que nous commençons à appeler disparition forcée). Nous discuterons collectivement, même si nous ne pourrons pas être en un seul endroit : une partie importante de ce cluster pourrait avoir lieu à Dakar, tandis que d’autres auront des débats parallèles à Palerme.
  4. Luttes transversales : Nous voulons ouvrir notre réflexion vers des questions et des problèmes qui traversent tous les clusters et explorer comment l’activisme contre la mort des migrants en mer peut être mieux connecté aux luttes avant et après la frontière maritime. Nous ne voyons pas ce cluster comme isolé, mais comme une invitation à travers la convergence à réfléchir sur nos luttes et notre mouvement. Nous considérons ce groupe comme une proposition de lentilles à travers lesquelles nous pouvons examiner nos propres luttes. Nous voulons inviter des acteurs d’autres luttes spécifiques (justice climatique, anticoloniale, justice raciale, luttes syndicales) et apprendre d’eux pour entamer une discussion, pour apprendre et construire des ponts. En bref, nous voulons réfléchir à la manière dont l’activisme à la frontière maritime peut devenir un nœud dans un champ plus large de luttes pour la justice mondiale.